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Le bras de fer entre les éditeurs allemands et Google

Rédigé le 10 décembre 2014 par Pauline Goudoffre - Master édition première année - promo 2014-2016 dans Web et application

Nous avons peur de Google, je dois le dire clairement et honnêtement, car peu de mes collègues osent le faire publiquement.

Mathias Döpfner
représentant du groupe Axel Springer

L’éditeur allemand Axel Springer, propriétaire de Bild, le quotidien le plus lu d’Europe (3,8 millions d’exemplaires vendus par jour), et de Die Welt, acteur majeur de la presse quotidienne allemande, en conflit avec Google sur la propriété intellectuelle, a renoncé, mercredi 5 novembre, à interdire au géant américain de publier des résumés des articles de ses journaux dans ses résultats de recherche. Dernier rebondissement d’un long bras de fer entre les éditeurs de presse allemands et le moteur de recherche, cette décision confirme la toute puissance de Google.

La loi « Lex Google »

Tout commençait pourtant bien pour les groupes de presse allemands. Ils avaient réussi à faire adopter par le Bundestag le 22 mars 2013 une loi baptisée « Lex Google » car elle vise principalement le service « Google actualités ». Elle reconnaît aux éditeurs le droit exclusif de publier sur Internet des articles de presse à des fi ns commerciales et oblige les moteurs de recherche à leur reverser des commissions pour l’utilisation de leurs contenus au-delà de « courts extraits ».

Une loi plutôt controversée qui a permis à une coalition allemande baptisée VG Media de réclamer une rémunération à Google, pour utilisation de ses photos et accroches.

La contre-attaque de Google

Mais le moteur de recherche contre-attaque à quelques semaines de l’entrée en vigueur de la « Lex Google », en exigeant une « déclaration de renoncement » afin de pouvoir continuer de publier gratuitement des contenus produits par les médias allemands. Et le moteur de recherche averti que les réfractaires seront tout simplement supprimés du service d’actualités « Google News ».

« Nous ne montrerons plus les Snippets (les premières lignes de l’article). Idem pour les Thumbnails (les images miniatures) de sites internet connus tels que bild.de, bunte.de ou encore hoerzu.de, et de chaque éditeur qui est représenté par VG Media », a ainsi déclaré Philipp Justus, le patron de Google Allemagne.

Cette décision est entrée en vigueur le 23 octobre 2014. En clair, les internautes n’ont plus vu apparaître dans le moteur de recherche que les titres des articles des médias visés, sans aucun autre élément pour les mettre en valeur. 170 sites d’éditeurs de journaux ont été touchés, ainsi que 20 sites de télévisions et 59 sites de radios.

40% de baisse du trafic

Le groupe de presse Axel Springer a alors vu le trafic vers ses différents sites chuter de 40 % et celui des internautes redirigé via Google Actualités plonger de 80 % au cours des deux semaines qui ont suivi. En termes financiers, et ramené à l’année entière, cela signifierait un préjudice de plus de 100 000 euros pour chacun des sites concernés, estime l’éditeur, qui parachève son virage numérique et dont toutes les offres internet de presse sont payantes.

Mathias Döpfner, président du directoire d’Axel Springer, n’a donc pas eu d’autre choix que de plier devant Google en acceptant ses conditions. Il a déclaré que son groupe « aurait été évincé du marché » s’il avait persisté à demander à Google de payer pour reprendre des extraits de ses contenus. En effet, en étant la seul groupe à ne pas avoir plier devant Google, il n’avait pas suffisamment de poids pour faire craquer le moteur de recherche qui n’est finalement qu’un agrégateur de contenus.

La puissance écrasante de Google

Cette décision illustre bien la nécessité des groupes de presse d’être référencé par le moteur de recherche qui ne craint même pas les législations mises en vigueur pour encadrer la propriété intellectuelle. Un porte-parole de Google en Allemagne s’est félicité de la décision de Springer qui, a-t-il dit, « montre que Google apporte une contribution significative au succès économique des éditeurs de nouvelles ».

Pour Mathias Döpfner, le résultat de l’expérimentation de ces deux dernières semaines est une preuve de l’écrasante puissance de Google sur le marché de la recherche. Il espère néanmoins que son échec servira à susciter l’inquiétude des autorités devant la position de force de Google, qui se pose manifestement en partenaire incontournable — au sens propre.

La France, quant à elle, a pris une autre voie avec un accord avec Google qui a abouti sur un fond de 60 millions d’euros d’aide à la presse. Mais, pour Christoph Keese, le vice-président de Axel Springer, c’est une « mauvaise opération » au vu de ce montant qualifié de « dérisoire par rapport aux enjeux ».

Mais l’Europe vient de relancer le débat. En effet, le Parlement européen compte demander à la Commission européenne de « dissocier les moteurs de recherche des autres services commerciaux », ce qui vise bien sûr avant tout Google. Ses concurrents lui reprochent nottamment de capter une part de marché de près de 90 % en Europe pour en suite les rediriger vers ses propres services. À suivre donc…

Sources :
« Lex Google : la presse allemande se maintient dans Google News », zdnet.fr, 1er août 2013.
« Google impose son diktat aux éditeurs allemands », Patrick Saint-Paul, Le Figaro, 5 novembre 2014.
« Axel Springer plie face à Google », Audrey Fournier, Le Monde, 6 novembre 2014.
« L’ombre du groupe Axel Springer plane derrière le démantèlement de Google », Pascal Samama, 01net.com, 24 novembre 2014.

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